Sur le mariage d'une musulmane avec un non musulman

L'opinion largement majoritaire indique qu'un tel mariage est prohibé, car dans les sociétés anciennes, l'épouse devait être absolument dominée par son mari, et n'aurait pu pratiquer une autre religion que la sienne. De nos jours et dans une société "occidentale", cela n'est plus vrai ; et par conséquent un tel mariage pourra être de plus en plus admis.

Citons :

Khalil Mohammed,   

Hassan Tourabi   

et    Abou nahla Al Ajamî

Khalil Mohammed 

défend le droit au mariage d'une musulmane avec un non musulman

L'Imam Khalil Mohammed répond à une musulmane désirant épouser un chrétien... (mais ces principes s’appliquent au mariage avec n’importe quel homme non musulman)

« Le verset traditionnellement utilisé par les imams pour interdire le mariage inter-religieux est le  verset 5 : 5 : « Aujourd'hui la jouissance de tout ce qui est bon vous a été permise…Vous sont permises les femmes vertueuses d'entre les croyantes, et les femmes vertueuses d'entre les gens qui ont reçu le Livre avant vous. Les imams traditionnels prétendent que puisque les femmes sont seules mentionnées et les hommes ne le sont pas, alors l’on doit en déduire que le mariage de femmes musulmanes avec des hommes non musulmans est interdit.

Ceci pose néanmoins problème. Parce que le Coran s’adresse aux hommes, coutume de l’époque oblige. C’est pour cette raison que le Coran dit, par exemple : « Et quand vous divorcez de vos femmes… » ou encore « Ne donnez pas vos filles à un idolâtre tant qu'ils n'auront pas cru… ». Qu’est ce que je signifie par coutume de l’époque ? Dans le contexte tribal, la femme, une fois mariée, acceptait son mari comme maître. Lui, en retour, acceptait la religion du chef de la tribu.

Les érudits musulmans se sont alors trouvés confrontés à toute une série de problèmes qui les ont fait pencher en faveur de l’interdiction du mariage inter-religieux. L’une des difficultés était que si les musulmans honorent des prophètes non musulmans, les adeptes des deux autres religions monothéistes, eux, n’honorent pas Mahomet. Cela mettrait par conséquent la femme musulmane dans une position terrible où son prophète risquerait de n’être pas respecté. Un autre problème surgissait dans la mesure où la plupart des chrétiens identifient Jésus à Dieu, or, il est impensable pour un musulman d’accorder une nature divine à un être humain. Enfin, se posait la question des enfants conçus lors d’un tel mariage, dont on pouvait craindre qu’ils soient élevés dans la religion du mari.

Mais rappelez vous que toutes les objections soulevées précédemment, présupposent que la femme doit adopter, sous la contrainte, la foi de son mari non musulman, et ceci n’est clairement pas le cas dans votre relation. Vous vivez à une époque différente et dans un lieu différent. Pour être sûrs, la plupart des Musulmans vous rétorqueront que le Coran est juste, quelque soit le temps et le lieu. Si nous suivons cette logique, nous devons reconnaître que le Coran demeure bienveillant à l’égard de votre rêve d’épouser un chrétien. Même s'il est chrétien, le Coran ne lui en veut pas pour cela.

Si les Chrétiens ne font pas de distinction entre Jésus et Dieu, le Coran appelle ceci  « kufr » (incroyance/ingratitude) plutôt que « shirk » (polythéisme). C’est une différence très significative, parce que dans un autre verset, le Coran affirme que les chrétiens qui se livrent à de bonnes actions, ont le droit d’accéder au paradis. Le Credo est le même pour les chrétiens, qu’ils soient hommes ou femmes, alors comment le Coran pourrait-il autoriser seulement le mariage avec une femme chrétienne mais pas avec un homme chrétien ?

La principale crainte semblerait que la religion du mari devienne dominante (crainte mise aussi en évidence dans le Livre de Ruth dans la Bible hébraïque). De nos jours, puisque l’Islam coranique (en opposition à l’Islam des juristes) doit reconnaître la notion radicale que les femmes sont les égales des hommes, que les femmes ont des droits légaux et que la liberté de fixer des conditions avant le mariage fait partie intégrante de ces droits (ce que je nommerais un accord pré nuptial), alors un mariage interreligieux peut avoir lieu, à condition que l’épouse n’ait pas à adopter de force la religion du conjoint.

Sur la question des enfants, il y aura certainement une certaine confusion religieuse. Mais en tant que spécialiste de l’Islam, je peux vous dire que le Coran préconise l’écoute du cœur et de l’esprit pour se forger ses opinions. Si les deux parents sont fidèles aux interprétations de la volonté du Créateur, alors les enfants pourront choisir en connaissance de cause lorsqu’ils auront atteint l’âge requis.

Fatwa de Hassan el Turabi, 

Hassan Tourabi, l’éminence grise de l’islamisme dans le monde arabe et théologien musulman ( son dernier livre est un immense pavé sur l’Etat et le pouvoir en Islam), a sorti une fatwa étonnante : la femme musulmane a le droit de se marier avec un homme « des gens du livre » c’est à dire les Juifs et les chrétiens. Il considère que rien dans le coran ne l’interdit et que puisque un musulman peut se marier avec une juive ou une chrétienne, une femme musulmane pourra en avoir le droit aussi…


Hassan Tourabi s’appuie dans sa fatwa sur le fait qu’il n’existe aucun texte qui interdit explicitement le mariage entre une femme musulmane et un homme des gens du livre ( ahl al kitab) et que l’interdiction au temps du prophète était liée à l’hostilité et la guerre existante entre Musulmans, chrétiens et Juifs.

Il estime donc que cette raison n’existe plus ce qui justifie la levée de cette interdiction. "Nous devons laisser les minorités musulmanes, qui vivent parmi 'les Gens du Livre' en Occident, évaluer cette question et décider ce qui est approprié pour eux, puisqu’ils sont le premier groupe concerné. Ils concluraient qu'ils doivent permettre à leurs filles d'épouser des juifs et des chrétiens parce que ces mariages attireront peut-être les maris à l'islam ou, du moins, les femmes resteront musulmanes.

En Occident, les libertés individuelles sont généralement plus étendues : qu’ils soient libres de décider de leur comportement individuel ou collectif. Voilà mon point de vue sur ce problème. le mariage entre une femme musulmane et un homme non-musulman est valable puisque rien dans le Coran ou la Sunna n’en ordonne autrement. De plus, la décision doit aussi prendre en compte chaque cas particulier ; en somme, en me basant sur les enseignements accumulés des savants passés, je ne peux pas dire que ce type de mariage est interdit.  


Ces enseignements nous disent par exemple que le consensus est le consensus de juristes à chaque époque mais ce que le Coran dit est totalement différent. Il faut donc nous en  détourner [de ce consensus]. Les mêmes énonciations accumulées des savants ont aussi recommandé que nous devions obéir à un dirigeant même s'il a saisi le pouvoir par la force. Le Coran n'approuve pas du tout cela. Nous devons toujours nous référer aux fondements qui sont le Coran et la Sunna.”

Docteur Abou nahla Al Ajamî,

En résumé, donnons les points essentiels suivants :

1-Le Coran interdit le mariage des musulmans et des musulmanes avec les polythéistes au sens strict du terme.

2- Il autorise le mariage des musulmans avec les Dames des Gens du Livre au sens large du terme.

3- Il ne spécifie pas que ce type de mariage soit interdit aux musulmanes.

4- La Sunna authentifiée n’apporte aucune modification à ces énoncés.

5- Le Droit musulman interdit le mariage d’une musulmane avec un non musulman en ne pouvant que se référer à un consensus de nature historique et sociologique.

Ceci étant, il convient d’aller plus avant. Au cours de l’exégèse que nous avons donnée des trois versets clef, nous avions souligné en l’analyse du texte les points suivants. Nous les reprenons mot à mot.

6-L’objectif premier du mariage est la communion dans la foi et non la jouissance physique ou matérielle.

7-Le mariage entre musulmans est un choix favorable à cet épanouissement, choix ne signifiant pas garantie.

8- Il y a égalité entre les hommes et les femmes quant à leurs responsabilités de croyants.

9- Les uns comme les autres sont invités à s’engager à sauvegarder leur religion.

10- Ce qui est interdit aux musulmans l’est aux musulmanes.

11- La définition stricto sensu du polythéisme est le dénie de l’unicité de Dieu, les faux dieux ne sont que matérialisation et matérialisme.

12- Il est indiqué que l’individualisation de la Umma passe, entre autres, par une séparation dogmatique et théologique tout autant que sociologique.

13-En S5.V5 il est démontré que l’objectif du verset n’est pas tant d’autoriser que de restreindre, qu’il s’agisse du mariage des musulmans ou des musulmanes.

14- Ceci dit, tout comme pour les musulmans, hommes et femmes, la nourriture des Gens du Livre est licite, les mariages le sont également. Réciproquement et symétriquement.

15- Il est spécifié que ces mariages sont conditionnés par la vertu et la correction des contractants.

16-Corrélativement, il est indiqué que celui qui conclut ce type de mariage par pure licence ou profit, ruine, de par cette intention, ses actes.

Pour plus de détails voir :

oumma.com/Mariage-mixte-que-dit-vraiment-le  (1)

oumma.com/Mariage-mixte-Que-dit-vraiment-le,2986   (2)

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